Kyushu, le Japon à l’état brut – récit d’un voyage hors des sentiers battus

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PaulB
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Kyushu, le Japon à l’état brut – récit d’un voyage hors des sentiers battus

Message par PaulB »

Je voulais partager ici un voyage qui m’a profondément marqué, peut-être parce qu’il m’a donné l’impression de toucher à un Japon plus discret, plus vrai, loin des foules et des itinéraires évidents. Kyushu n’était pas mon premier voyage au Japon, mais clairement l’un de ceux qui m’a le plus surpris.

Tout a commencé à Tokyo. Après plusieurs jours dans l’agitation permanente de la capitale, j’avais besoin d’air, d’espace, de respiration. Prendre l’avion pour Fukuoka a été un premier pas vers ce changement de rythme. À peine une heure et demie de vol, mais l’ambiance était déjà différente à l’atterrissage. Moins de tension, moins de flux, moins de bruit. À l’aéroport de Fukuoka, tout semblait plus fluide, plus humain. On sent que Kyushu est une grande île, mais qu’elle n’a pas le même rapport à la vitesse que Honshu.

Fukuoka m’a immédiatement plu. C’est une grande ville, mais à taille humaine. On y sent une vraie douceur de vivre. Les gens prennent le temps, les rues sont animées sans être oppressantes, et surtout, il y a cette proximité avec la mer qui change tout. Le soir, en me baladant près de la rivière, j’ai mangé dans un yatai presque par hasard. Peu de touristes, beaucoup d’habitués. Le genre d’endroit où on te parle, où on te demande d’où tu viens, où l’anglais est approximatif mais le sourire sincère. C’est souvent là que le voyage commence vraiment.

Le lendemain, j’ai pris le Shinkansen direction Kagoshima. Le trajet en lui-même vaut presque le voyage. Le paysage change lentement, les montagnes se rapprochent, la végétation devient plus dense. En arrivant à Kagoshima, impossible d’ignorer le Sakurajima, ce volcan immense, toujours présent à l’horizon. Il fume doucement, comme un rappel permanent que la nature est ici bien plus qu’un décor.

Kagoshima est une ville fascinante. Elle a quelque chose de calme, presque mélancolique. On sent qu’elle vit avec son volcan, qu’elle l’accepte. Les trottoirs sont recouverts de cendres par endroits, et personne ne semble s’en émouvoir. J’ai passé plusieurs heures simplement à marcher, sans but précis, à observer la vie quotidienne. Peu de touristes étrangers. Beaucoup de regards curieux, mais jamais pesants. On a souvent l’impression d’être accueilli plutôt que toléré.

En descendant encore plus au sud, j’ai rejoint Ibusuki. Ce lieu restera longtemps gravé dans ma mémoire. Ibusuki, c’est le sable chaud, les bains enfouis, le corps recouvert de sable volcanique brûlant face à la mer. L’expérience est étrange, presque déroutante au début. On est allongé, immobilisé, le corps lourd, et pourtant incroyablement détendu. Le temps semble se suspendre. Après le bain, en regardant l’océan, j’ai ressenti un calme que je n’avais pas connu depuis longtemps.

Ce qui m’a frappé tout au long du voyage, c’est l’absence relative de touristes. Pas zéro, bien sûr, mais comparé à Tokyo, Kyoto ou Osaka, c’est un autre monde. À Beppu, par exemple, célèbre pour ses sources chaudes, j’ai pu visiter les enfers (les jigoku) presque seul par moments. Beppu est une ville étrange, parfois brute, parfois poétique. Les vapeurs s’échappent partout, des rues, des jardins, des parkings. L’odeur de soufre est omniprésente, mais on finit par l’oublier.

À Beppu, j’ai surtout été marqué par les rencontres. Des personnes âgées qui m’expliquent leur quartier avec des gestes, des jeunes curieux qui veulent pratiquer leur anglais, des employés d’onsen fiers de leur établissement. On sent une vraie fierté locale, mais sans arrogance. Kyushu donne l’impression d’un Japon moins figé, moins “carte postale”, plus vivant.

Ce voyage m’a aussi appris une chose importante : il faut accepter de ralentir. Kyushu ne se consomme pas. Ce n’est pas une destination où l’on coche des cases. C’est une île où l’on se laisse porter. Les distances sont plus longues qu’on ne l’imagine, les correspondances parfois moins fréquentes, mais c’est justement ce qui fait son charme. On apprend à attendre, à regarder, à discuter.

Si je devais donner un conseil à ceux qui hésitent à aller à Kyushu, ce serait de ne pas la comparer au reste du Japon. Kyushu n’est ni Kyoto, ni Tokyo, ni Osaka. Elle a sa propre identité, profondément ancrée dans la nature, le volcanisme, la mer et une forme de simplicité humaine. Il faut y aller avec curiosité, sans attentes trop précises.

En repartant, dans le Shinkansen qui me ramenait vers le nord, j’ai eu cette sensation rare d’avoir découvert quelque chose de précieux, presque intime. Kyushu ne cherche pas à séduire. Elle se révèle à ceux qui prennent le temps. Et c’est peut-être pour ça que j’ai déjà envie d’y retourner.