Activité échecs-shôgi à l’Institut Franco-Japonais de Tokyo

(texte de Jacques Pineau, co-responsable de l’activité)

Historique de l’activité échecs-shôgi
Sa création est récente puisqu’elle remonte à environ cinq ans, mais elle fait suite à une initiative du deuxième Secrétaire de l’Ambassade de France (maintenant Conseiller Culturel). Voilà plus de dix ans, en effet, Monsieur Alexis Lamek me demanda si je pouvais animer un club d’échecs à l’Ambassade. J’acceptai, à la condition que ce club ait une double facette, celle du jeu international, les échecs, et celle du jeu du pays d’accueil, le shôgi. Cet esprit d’échange culturel enchanta Monsieur Lamek et des réunions eurent lieu à la bibliothèque de l’Ambassade deux fois par mois. Suite aux attentats de New York, en septembre 2001, pour des raisons de sécurité, le déplacement de cette activité, qui rassemblait aussi des personnes extérieures à l’Ambassade, fut négocié pour avoir lieu à l’Institut Franco-Japonais de Tokyo. Les réunions eurent lieu d’abord à la Brasserie de l’Institut puis dans la salle 106.
Les membres ont un peu changé mais Monsieur Habu (Meijin « Champion du monde de shôgi ») nous rend de temps à autres  visite.
Ces deux jeux permettent la communication conviviale entre deux cultures fort différentes. Les mots d’une langue ne sont pas les seules caractériques d’une différence, le sont aussi leurs génèses et l’appréhension réciproque, que je souhaite transformer en une compréhension réelle.
Je m’occupe de la partie échecs et Monsieur Terao (Amateur 4dan) s’occupe de la partie shôgi. Nous sommes l’un et l’autre membres du conseil d’administration de l’ISPS (International Society Popularization fo Shôgi) Monsieur Terao initie les non japonais, au shôgi ; et moi j’initie les japonais, aux techniques du jeu d’échecs.

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Bref historique des échecs et du shôgi
Le jeu d’échecs est devenu international avec la propagation des valeurs européennes durant les XIXème et XXème siècles. Le jeu de shôgi est quant à lui, pratiqué essentiellement au Japon. Mais ces deux jeux ont une même origine indienne. Voilà en effet près de 2000 ans, la civilisation indienne inventa le « Chaturanga » qui devint, en Perse, le « Shatranji » au VIème siècle. Ce jeu avait déjà nombre de ses caractéristiques modernes, un échiquier de 8×8 cases, un objectif de « mater » le Roi (« Sha »), dont les mouvements avec ceux de la Tour du Cavalier sont les mêmes depuis le jeu indien. La civilisation musulmane transmit le jeu Perse à l’Europe, au Xème siècle, par l’Espagne, la Sicile et Constantinople.
Très probablement par la route de la Soie, le jeu Perse devint le Xiangqi (prononcé « Shanshi ») en Chine, puis le Changgi, en Corée, pour devenir le Shôgi au Japon. Aussi les jeux japonais et européen présentent-ils plus d’une similitude. L’objectif, la capture du Roi 王 est le même et certaines pièces comme la Tour (飛車), le Fou (角), et en un sens les cavaliers (桂), et la lance (香) ont des mouvements facilement reconnaissables pour des joueurs d’échecs. Espièglerie de l’Histoire, à plus de 10 000 km les jeux de shôgi prirent leurs caractéristiques modernes aux mêmes périodes XIVème~XVIème siècles. Au début de la période Edo, l’Italie possède son champion, le génial Gioachino Gréco (1600~1634) qui fait des ravages dans les cours européennes, le Japon, lui, a son école patronnée par le nouveau shôgun et son Maître Ohashi Sokei (1555~1634). Si le nouveau jeu d’échecs développe à travers la force franche des nouvelles pièces une maîtrise rationnelle des événements qui ont lieu sur l’échiquier et aussi l’affirmation d’un individu mûr et libre, le jeu japonais, lui, revendique une intelligence de l’interaction et une économie des moyens par la réutilisation des pièces capturées. Malgré la différence de ces sensibilités culturelles et de leurs formes d’expressions, il est indéniable qu’un bon joueur d’échecs devient vite un bon joueur de shôgi, et inversement. Actuellement le meilleur joueur d’échecs au Japon, Yoshiharu Habu, mon élève et ami, est considéré par beaucoup comme le meilleur joueur de shôgi de ces deux derniers siècles.
J’ajouterai une remarque que me fit le Grand Maître Vladimir Kramnik (champion du Monde de 2000 à 2008) : « Le jeu de shôgi m’apparaît au Japon ce que le jeu d’échecs est en Russie, avec la même popularité, une structure associative efficace, et les meilleurs joueurs du monde sont la plupart russes… » juste pour me signifier que si le jeu de shôgi était mondialement pratiqué il est fort probable que son champion serait le même : Yoshiharu Habu. Une remarque qui fait écho à une autre que me fit cette fois, Habu san quelques années plus tôt : « Le jeu d’échecs bénéficie d’une avance culturelle indéniable parce qu’international, des styles très différents peuvent s’exprimer. » Il nota que l’analyse des ouvertures au shôgi était encore très secrète alors que les nouveautés échiquéennes étaient de suite débattues à ciel ouvert, sur les sites internet.

Jacques Pineau

Présentation de l’auteur
Jacques Pineau est entraîneur International de la FIDE (Fédération Internationale Des Échecs) ou « FIDE Trainer ».
Ceci lui permet, par exemple, d’entraîner une équipe olympique. Il a été deux fois champion du Japon, en 1987 et 1994 et membre de l’équipe olympique échiquéenne du Japon en 1988 (à Thessalonique) et en 1992 (à Manille). Il entraîne régulièrement depuis 1996 les Maîtres de shôgi, Yoshiharu Habu et Toshiyuki Moriuchi (9 Dan).
Il a réalisé deux événements internationaux : l’un à la résidence de l’Ambassade de France (juin 1999), l’autre à la Maison mère de NEC (2002).
Joël Lautier, l’un des meilleurs joueurs du monde (et l’un des rares joueurs à posséder un score positif sur un nombre important de parties jouées contre le fameux Gary Kasparov)
joua en simultanée 3 parties d’échecs contre les meilleurs joueurs de shôgi du moment les maîtres Habu, Moriuchi et Yasumitsu Satô, également excellents joueurs d’échecs.

Livres de Jacques Pineau
« Dynamic Chess Nyumon », éd. SanKaiDou (1995)
« Crazy Chess », éd. ShinKawadeshobo (1999)
« Chess Hanabi », éd. index (2005)

Où et quand  a lieu l’activité Échecs-Shôgi?
À l’Institut de Tokyo (salle 106) tous les 2e et 4e mercredis de chaque mois de 18h30 à 21h.
Une séance d’initiation pour les enfants a lieu, le même jour de 16h à 19h.
Frais d’inscription au club : 10 000¥
Frais de participation ponctuelle : 1000¥ ou participation annuelle : de 10 000¥
Le club fonctionne sur 11 mois par an (fermé au mois d’août)

Publié par

Christian Bouthier

Christian Bouthier, un Français au Japon depuis 1982. フランス語講師 et professeur de japonais.

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