Le jeu de poker et le Japon

Officiellement, le Japon interdit les casinos et les jeux de hasard sont strictement contrôlés. Sa législation est même l’une des plus restrictive de toute l’Asie ! L’Etat souhaite en effet protéger ses concitoyens des problèmes de dépendance ou de surendettement qui frappent souvent les populations les plus fragiles.

Seuls certains paris ou loteries et le toto (un jeu qui mélange le loto et les paris) sont autorisés. Cependant, il reste possible de jouer au poker dans des clubs privés et la Japan Poker League peut se vanter de compter parmi ses membres des pokéristes professionnels réputés. En juin 2012, le japonais Naoya Kihara a même offert à son pays son tout premier bracelet aux WSOP (World Series of Poker) ! Fort de cette victoire, il a aussitôt affirmé sa volonté de devenir l’ambassadeur du poker au Japon.

Il faut dire que la position rigoriste de l’Etat, en vigueur depuis plus d’un siècle, est de plus en plus critiquée. En novembre 2011, Hashimoto Toru, le nouveau maire d’Osaka, n’a pas hésité à annoncer vouloir développer les casinos dans la troisième ville japonaise. En parallèle, le gouvernement ne peut que constater l’engouement croissant pour le poker en ligne et l’explosion du chiffre d’affaires du secteur touristique dans les Etats limitrophes qui autorisent les jeux d’argent (Macao, Singapour, Taiwan). La manne financière représentée par cette industrie pourrait contribuer à renforcer significativement la compétitivité du Japon.

En parallèle, comme le souligne Kihara, la jeune génération n’a plus les mêmes préjugés concernant le poker et le secteur du jeu. Il relève un paradoxe : « Mes parents n’aiment pas ça. Ils ne savent pas vraiment ce que je fais, mais cela ne leur plaît pas. Pourtant, ils ont beaucoup de leurs amis qui jouent au mahjong et, en ce qui me concerne, je joue aussi au backgammon. Donc dans le fond, ils ne pensent pas que jouer de l’argent est un problème. »

Le blocage culturel, lié à la tradition et à la mauvaise image de ce jeu, pourrait-il finalement voler en éclats ? Équipés de leurs téléphones portables high tech, les Japonais accèdent très facilement aux versions gratuites des salles de jeux qui leur suggèrent ensuite une évolution vers les versions payantes. Et la prohibition, difficile à exercer à l’ère virtuelle, finit surtout par profiter à des tripots clandestins.

Ce sont d’ailleurs des préoccupations similaires qui ont conduit les pays occidentaux à proposer une offre légale d’établissements de poker sur Internet.

En attendant d’en arriver là, de nombreux japonais s’exercent pour affronter les meilleurs pokéristes dans des tournois internationaux. Wooka Kim, une jeune femme native d’Osaka, a d’ailleurs intégré la Team Pro d’Everest Poker qu’elle représente dans toute l’Asie. Hiroshi Shimamura, le leader de la Japan Poker Association, est également devenu une figure incontournable des tournois. Il s’est hissé jusqu’à la 6ème place des WSOP.

Le Japon est donc éminemment réputé à l’échelle mondiale pour le talent de ses joueurs dans un sport qui n’a pas encore droit de cité dans l’empire du Soleil Levant.